En toute liberté. D'une seule phrase. Boutonnée par des noms. Avec trop de sujets. Dans le désordre étymologique, historique, sexuel, mathématique, mental, juridique, économique, social, culturel et géographique le plus absolu. En dehors de toute rationalité alphabétique, idéologique, phonétique ou informatique. Sans contraintes de lieu, d'idylle ou de bonnes moeurs. A plein volume.
Didier de Lannoy mamA NA ngai roman privé et rapiécé, prise de maquis littéraire et tentative de suicide éditorial, tripot d’adresses, galerie de clips, casting de sons 2001-2005 Extraits
Chapitre 20
Ana (plus photogénique et plus charismatique que son époux) (à la triste figure et) (qui préfère donner du maïs aux handicapés) (et amener les poules au cinéma) (ou les installer devant le poste de télévision) (en soirée mais) (finira bien par être la veuve de Mbwa Mabe) (ça commence à bien faire, quoi !) (au terme d’une vie faite de labeur et de dévouement et de sacrifice) (il ne m’a jamais offert de bouquets de fleurs !) (ni une paire de chaussures, ni même un soutien-gorge ou une petite culotte en peau de lézard, quoi !) (il ne connaissait même pas ma taille, j’te dis !) (et par acquiescer à sa demande) (et débranchera l’appareil respiratoire de son coquin et)(tout ce que j’aime, il n’aimait pas, quoi !)(lui administrera deux injections libératrices mais) (et pourtant, j’étais son gang !) (c’est moi seule qu’il aimait, quoi !) (ne se mettra pas de la terre sur la tête et) (ne se griffera pas les joues et), Szana (refusera de demander pardon) (saperlipopette !) (à TPM Dieu et à la Libre Amérique) (my Bush !) (what a pity !) (what do we do now?)(aux machos et aux patrons) (et à l’Office de Sécurité Sociale d’Outre-mer mais)(mais ça fait quand même du bien de ne plus avoir personne dans les pattes, j’te jure !) (cachera la dépouille du monsieur dans le placard à balais) (le cadavre était en jeans !) (il avait encore les mains dans les poches de son blouson !)(mais de petits vers gluants lui sortaient déjà de la bouche et des yeux !) (et ce n’était pas beau à voir tous les jours !) (et ça commençait à sentir !) (à sentir !) (à sentir !) (et même que j’ai dû murer la porte du cagibi !) (continuera de toucher la pension de retraite du vieux), Szatana.
Ana, mon être humain, mon emmerdeuse, ma louve, ma tendresse, mon oasis, ma complice, mon fil rouge, ma langue de vipère, ma tomate verte de Valencia (qui murit et rougit à partir du cœur), ma grenouille arboricole aux yeux gris-verts (surtout quand elle était toute petite et qu’il pleuvait sur le Mont Ngaliema !), mon gang, mon catalogue, mon palindrome, ma compagne d’armes, ma belle brocante, mon angoisse, ma mégère, mon égérie, ma gaîté (je n’aime pas ce que j’écris ?) (je n’aime pas ce que je suis ?) (c’est elle seule que j’aime ?), belle comme une chatte de gouttière élevée par un oiseau de compagnie, n’a pas fêté son 39ème anniversaire (à Nassogne) (chez Gougoui et Nicole*). J’avais oublié (furt ! joder ! tufi na mama na ngai !) mon carnet d’adresses à Ixelles. Evidemment que vous n’êtes pas venus ! Je vous envoie quand même le brouillon du bouquet de ndumbas et de mbandas que je n’ai pas pu lui offrir ? En retard ? Mais je compte bien le toiletter d’ici le 31 août de l’année prochaine (sauf divorce jubilatoire, suicide nummulitique, apnée fatale, courte et pénible maladie, agnosie, alexie, andropause fulgurante, décapitation au sabre ou troisième guerre mondiale) ! Pour ses 40 balais ! A Pâques, à Trinidad ou sur une plage ordinaire d’une île quelconque du lac Volta (envahie par des colonies de rats) (rescapés du déluge, déportés ou naufragés, chauves et nus, gras et gais) !
* Vous tournez à gauche devant le casino de l’hôtel Palm Beach (en zémidjan) (à quelques 800 mètres d’Aflao et de la frontière du Ghana que vous aurez franchie à pied) (avant 18h), vous empruntez l’avenue Pompidou, puis l’avenue de Calais (vous traversez le boulevard du 13 janvier), puis l’avenue de la Victoire jusqu’à la gare routière de Tokoin-Hôpital (peu après le lac Ouest et la station service Mobil) (à gauche). Vous prenez place dans un minibus (ou un taxi collectif) qui fait la route de Kpalimé, emprunte (encore !) l’avenue du RPT jusqu’à la station service Mobil (encore !) d’Atikume à Bé-Klikamé (à quelques 5 km du centre ville) puis tourne à gauche (encore !) et emprunte (encore !) le boulevard du 30 août et dépose et embarque et embarque et embarque et dépose et embarque et dépose et embarque et embarque et dépose et embarque et dépose et dépose et dépose et embarque des patients à Adidogomé, Sanguera, Aképé, Noépé, Bagbé (douane-marché) (efi ! azi ! edje ! abobo !) (noix sucrées ! œufs ! sel ! brochettes d’escargots !). Une fois arrivé(e)s à Badja (à une quarantaine de kilomètres de Lomé) (9 et 12 kilomètres avant Kévé et Assahoun), vous dépassezle Collège d’Enseignement Général, la rue principale du village (bitumée) (à droite), le centre artisanal Flambeau d’Amour, la Brigade Territoriale de la Gendarmerie Nationale (où, si vous êtes trop harcelés par les moustiques ou mordus par trop de soleil, le Commandant-Brigadier) (alias CB) (et ses éléments se feront trop de plaisir à recevoir vos dépositions et à instruire vos plaintes) et vous vous faites jeter juste après les établissements Eureka (vente de ciments) et le salon de coiffure Jérusalem (pour dames uniquement). Vous traversez alors la nationale (en veillant à ne pas vous faire écraser) et obliquez à gauche (encore !), dans la direction de Todomé (quartier Fowu). Encore quatre cent mètres (à pied) de route non-asphaltée et (vous franchissez un grand portail rouge) (à gauche) (encore !) vous voilà rendu(e)s à destination (enfin !): le gîte rural de Nassogne. Ce n’est vraiment pas très compliqué. Et si vous trouvez quand même le moyen de vous égarer, vous pouvez toujours retourner sur vos pas jusqu’au macadam et demander votre chemin aux vendeuses d’oranges et d’arachides (ou d’ananas, si c’est la saison) que vous n’avez peut-être pas repérées mais qui (sauf le mardi, jour où se tient le grand marché, sous la protection du caméléon, devant la concession du chef canton) sont installées à l’ombre des manguiers (juste à côté de l’échoppe de la “Pharmacie Villageoise”) (Ets Dieu Merci) (où la maman sage-femme du village, maintenant retraitée, vend des médicaments génériques) (quand elle n’est pas malade et ne souffre pas de maux de dents) et vous observent depuis votre débarquement de Normandie (il y a plus d’un quart d’heure) et savent déjà tout sur vous. Et se marrent. Et se marrent. Et se marrent. Et qui n’ont plus autant ri depuis 10 ou 15 ans. Ou téléphoner au 00.228/337.80.67 (solaire) ou au 00.228/947.28.67 (portable). Téléphoner. Téléphoner. Téléphoner. On enverra Nachtigal à la recherche de Livingstone.
Auteur de romans ("Le cul de ma femme mariée" et "Jodi, toute la nuit" édités par Quorum, 1998 et Couleur Livres, 2009), d’histoires courtes, nouvelles ou chroniques ("Contes d'apnée", "la Belgique tintiniste", etc) parues dans Archipel, C4, Le Batia, Le Galopin, Mandrill, Le chien écrasé, Le Soir, Marginales, etc) et de plusieurs autres textes inédit(able)s (1999-2010) parmi lesquels "la mort d'un sorcier, on fait la fête" (également intitulé "Busleidengang, Jozef"), "Grand Satan et le paralytique", "Ecrire à Butembo !"... Didier de Lannoy (alias ddl) (alias Vié ba Diamba) se revendique aussi comme "écrivain électronique" : diffusion plus ou moins régulière, par e-mail, à un public ciblé, des dépêches-samizdats de l’agence de presse privée AnaCo ("Ana et le Congo") et des billets des séries "Huppé cul !", "Les infoutus", "Cookies", etc.